Association Martiniquaise des Amis des Volcans Verts de la Caraïbe

 Enseignements apportés par la phylogénie moléculaire.


a) Arbre phylogénétique du Petit Mabouya des litières (Sphaerodactylus vincentii)



Cette espèce endémique des Petites Antilles est présente à la Martinique, à Saint-Vincent et aux Grenadines.

De nombreuses variations de phénotypes s'observent au niveau de la population des Mabouyas de Martinique, Les individus de la Presqu'île du Sud-ouest ne présentent pas d'ocelles (tache blanche en arrière de la tête). Ils constituent une sous-population que certains auteurs érigent en sous-espèce.

L'étude comparative du code bar de l'ADN de différents individus prélevés dans différentes régions de la Martinique, de Saint-Vincent et des Grenadines permet de construire l'arbre phylogénétique de l'espèce. Cet arbre peut être assimilé à un arbre généalogique retraçant l'évolution de l'espèce au cours des temps géologiques (chronogramme). Cette étude révèle que les individus peuplant le sud-est et le sud-ouest de la Martinique ont une ancêtre commun qui vivait il y a environ 8 Ma. La séparation est consécutive à l'émersion de l'île du sud-ouest et la colonisation s'est faite à partir de la population qui vivait sur l'île de Sainte-Anne. Chaque sous-population évolue alors de manière différente en raison de cet isolement géographique.

Vers 5 Ma, les îles de Saint-Vincent et des Grenadines ont été ensemencées par des individus issus de la population du Sud-ouest. 

L'archipel Miocène de Martinique apparait alors comme ayant été le berceau de la biodiversité des Sphaerodactylus vincenti des Petites Antilles.


b) Arbre phylogénétique des Sloanea antillaises


La Martinique possède cinq espèces de Sloanea,  trois sont endémiques des Petites Antilles dont une de la Martinique (Sloanea dussii)


Les Sloanea antillaises

Sloanea dussii


Chronogramme basé sur l’inférence bayésienne réalisée sur le concaténât des séquences ITS1 et ITS2. Les valeurs des nœuds sont les valeurs de probabilités à posteriori et reflètent la robustesse de ceux-ci.

La racine est en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange. (C. Boucher, A. Rousteau, 2009)

Chronogramme basé sur l’inférence bayésienne de trnC-trnF. Le chronogramme montre les dates de divergence des différents taxons (accompagné des valeurs de probabilité à posteriori pour les nœuds) . Les racines sont en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange. (C. Boucher, A. Rousteau, 2009)


L'étude de l'arbre phylogénétique des Sloanea des Petites Antilles montre que les espèces endémiques des Petites Antilles apparaissent au début du Miocène, donc au niveau de l'Arche de Noé des Petites Antilles.

Une de ces espèces est endémique de la Martinique, on a donc de bonnes raisons de penser que cette diversification a eu lieu au niveau de l'Archipel Miocène de Martinique. Compte tenu des conditions bioclimatiques du développement de cette espèce, si elles n'ont pas changées au cours du temps, il faut donc admettre que cet archipel possédait des montagnes assez hautes pour permettre le développement d'une forêt hygrophile.

On peut donc penser qu'à la fin du Miocène, la lente érosion de ces hauts sommets non rajeunis par l'activité volcanique, a par la suite placé ces populations dans des conditions de sécheresse de plus en plus poussées. Les populations ont du s’adapter ou disparaître. Cette modification des conditions bioclimatiques a certainement été à l'origine de l'apparition de l'espèce endémique de la Martinique par sélection naturelle. L'adaptation consiste à réduire sa surface foliaire dans le but de réduire la surface d'évapotranspiration pendant une saison sèche extrême et de faire ainsi des économies d'eau.

L'archipel Miocène de Martinique apparait alors comme ayant été le berceau de la biodiversité des Sloanea des Petites Antilles.


c) Arbre phylogénétique de l’Allobates Chalcopis.


L'Allobates chalcopis est le seul batracien dendrobate des Antilles. On le trouve sur les contreforts de de la Montagne Pelée. Il a d'abord été considéré comme étant une espèce invasive, avant que l'analyse génétique ne l'érige au statut d'espèce endémique de la Martinique.

Les récents travaux (2011) d’analyse génétique menés par M. Dewynter, K. Pineau, A.Thonnel sur l’Allobates chalcopis, laissent à penser que cette espèce s’est séparée de ses congénères de l’Amazonie et du Plateau des Guyanes il y a environ 10 Ma.

L'étude de l’arbre phylogénétique montre que la filiation de chalcopis est plus forte avec trilineatus (Pérou, Colombie) et sp de la province de l’Acre (Brésil) qu’avec sp. de Guyane. L’origine colombienne de ce taxon semble donc plus probable que l'origine guyanaise. Il faudrait donc envisager un itinéraire de migration situé plus à l'ouest, autre que la voie maritime sur bois flottés à partir du plateau des Guyanes pour expliquer une telle migration.

Cette espèce endémique de la Martinique est aujourd'hui présente sur les contreforts de la Montagne Pelée. Son arrivée en Martinique remonte à 10 Ma, alors que la Montagne Pelée n'a que 300 000 ans. De toute évidence, elle a du transiter par la Presqu'île du Sud-ouest qui devait à l'époque posséder des massifs volcaniques ayant des écosystèmes comparables à ceux de la Montagne Pelée. Sa présence doit être activement recherchée sur les flancs du Morne Jacob qui a du servir de relai vers la Montagne Pelée

Pour expliquer une telle migration, l'hypothèse d'une communication terrestre via la Ride d'Avés au Miocène moyen peut être avancée et ne demande qu'à être éprouvée par l'étude des fragments de récifs coralliens prélevés par dragage sur le flanc-est de cette ride.


d) Arbre phylogénétique de l'Anolis


Cette analyse s’appuie sur l’article publié dans  Nature 477 , 587-591 (29 Septembre 2011) doi: 10.1038 / nature 10390 Jessica Alföldi , Federica Di Palma , Manfred Grabherr , Christina Williams , Lesheng Kong, Evan Mauceli , Pamela Russell , Craig B. Lowe , Richard E. Glor , Jacob D. Jaffe , David A. Ray , Stéphane Boissinot , Andrew M. Shedlock , Christopher Botka , Todd A. Castoe ,John K. Colbourne , Matthew K. Fujita , Ricardo Godinez Moreno , Boudewijn F. dix Hallers, David Haussler , Andreas Heger , David Heiman , Daniel E. Janes , Jeremy Johnson ,Pieter J. de Jong et al.


Les Petites Antilles sont colonisées par deux séries d'Anolis, au nord la série des marmoratus que l'on retrouve à la Guadeloupe, au sud la série des roquet que l'on retrouve à la Martinique .

Cet arbre simplifié fait ressortir de manière précise l’origine de ces deux séries d’Anolis.

La série des roquet s’est séparée très tôt des Anolis qui ont peuplé les Grandes Antilles et le nord des Petites Antilles. La colonisation des Petites Antilles par les roquet s'est faite à partir de l'Amérique du sud, avec une remontée progressive vers la Martinique par saut de puce.

La série des Anolis marmoratus vient des Grandes Antilles et très probablement de Porto Rico. Cette colonisation s’est faite progressivement du nord vers le sud par saut de puce.

Cette étude prouve l'existence de deux voies de migrations récentes par saut de puce d'île en île, la voie nord à partir des Grandes Antilles et la voie sud à partir de l'Amérique du sud.